SCAF : Dassault assure pouvoir faire « tout seul » et défie l’Europe

Une maquette de l’avion de combat de nouvelle génération (NGF)-SCAF de Dassault Aviation présentée lors de la 55e édition du Salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE) à l’aéroport de Paris-Le Bourget, le 15 juin 2025.

Le ton monte dans le secteur aéronautique européen. Eric Trappier, directeur général de Dassault Aviation, n’a pas mâché ses mots mardi lors de l’inauguration de la nouvelle usine du groupe à Cergy. Interrogé sur les capacités de son entreprise à développer seule le futur chasseur de sixième génération, le dirigeant français a répondu sans détour : « La réponse est oui ».

Cette déclaration fracassante intervient dans un contexte de tensions croissantes autour du programme SCAF (Système de Combat Aérien du Futur), le projet phare de défense européenne qui semble aujourd’hui au point mort.

Le directeur général du groupe Dassault Aviation Eric Trappier devant la maquette grandeur nature du Système de Combat Aérien Futur (SCAF) lors du Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace, le 18 juin 2019 à l’aéroport du Bourget. (ERIC PIERMONT/AFP via Getty Images)

L’expertise française mise en avant : « On a les compétences »

Avec une assurance déconcertante, Eric Trappier a rappelé l’expertise historique de Dassault Aviation : « On sait faire de A jusqu’à Z. On l’a démontré depuis plus de 70 ans. On a les compétences. » Le fabricant du Rafale revendique ainsi une maîtrise complète de la chaîne de production aéronautique militaire, fruit de décennies d’expérience dans le secteur.

Cette position de force permet au groupe français d’adopter une stratégie offensive face aux critiques de ses partenaires européens. « Je veux bien que les Allemands grondent. Ici, on sait faire. S’ils veulent faire tout seuls, qu’ils fassent tout seuls », a lancé le PDG avec une pointe de provocation.

Berlin et Madrid cherchent des alternatives

La frustration des partenaires allemands et espagnols atteint son paroxysme. Selon plusieurs sources, ces derniers explorent désormais d’autres options pour contourner ce qu’ils perçoivent comme l’intransigeance française. Le chancelier allemand Friedrich Merz, lors de sa récente visite à Madrid, a exprimé clairement cette exaspération : « la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Nous n’avançons pas dans ce projet ».

L’Allemagne et l’Espagne se sont fixé un ultimatum : trouver une solution viable avant la fin 2025. Cette échéance révèle l’urgence de la situation et la détermination des deux pays à ne pas laisser le projet sombrer définitivement.

Une cogestion Dassault Aviation – Airbus sous tension

Au cœur du conflit se trouve un problème de gouvernance. Dassault Aviation, qui représente les intérêts français en tant que maître d’œuvre du projet, conteste l’efficacité du système de cogestion partagé avec Airbus, porte-drapeau des ambitions allemandes et espagnoles.

Cette rivalité industrielle dépasse le simple cadre technique pour toucher aux questions de souveraineté nationale et d’influence géopolitique. Chaque acteur souhaite préserver ses intérêts stratégiques tout en bénéficiant des avantages de la coopération européenne.

L’avenir incertain d’un projet stratégique majeur

Lancé en 2017 dans un élan d’optimisme franco-allemand, le SCAF devait incarner la renaissance de l’industrie de défense européenne. L’adhésion ultérieure de l’Espagne semblait renforcer cette dynamique positive. Pourtant, sept ans plus tard, le programme s’enlise dans les querelles intestines.

L’enjeu dépasse largement le cadre industriel. Ce chasseur de nouvelle génération représente un pilier de l’autonomie stratégique européenne, particulièrement crucial dans le contexte géopolitique actuel. Son échec potentiel pourrait compromettre durablement les ambitions continentales en matière de défense.

 L’architecture de la défense continentale en question

Malgré les tensions, Eric Trappier maintient officiellement la porte ouverte : « On est tout à fait ouverts à la coopération, y compris avec les Allemands ». Cette déclaration suggère qu’une issue négociée reste possible, à condition que les partenaires acceptent de revoir leurs exigences.

L’année 2025 s’annonce décisive pour l’avenir du SCAF. Entre démonstration de force française et recherche d’alternatives par les partenaires européens, le projet traverse une crise majeure qui pourrait redéfinir l’architecture de la défense continentale.

Par Théo Baroche

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *