C’est une pure volonté de l’Armée de Terre et de l’Ejercito de Tierra et non de l’hélicoptériste lui-même. Considéré comme la modernisation à mi-vie de la flotte d’Eurocopter EC-665 Tigre le «Mark 3» ne concernera que les utilisateurs espagnols et français, l’Allemagne ayant décidé de lui tourner le dos. Plus le temps avance et plus ce chantier ressemble à un pis-aller destiné à faire survivre un hélicoptère de combat européen totalement invendable à l’export. Pour mémoire même l’Australie s’en sépare au profit du Boeing AH-64E Guardian.
On pourrait disserter des heures sur les récents faux bonds de l’Allemagne aux programmes européens il n’en demeure pas moins qu’objectivement parlant le Tiger UHT n’a jamais vraiment été adapté aux besoins de la Heeresflieger. C’est un appareil pensé pendant la guerre froide, construit juste après la fin de celle-ci et adopté à une époque où la guerre asymétrique était devenu la norme. Des guerres asymétriques auxquelles l’Allemagne contemporaine participe en fait très peu, le pays cultivant toujours autant une aversion pour l’engagement guerrier. Quand on revoit son histoire récente on comprend immédiatement pourquoi.
En fait il serait trop facile de considérer que tout est de la faute de Berlin dans l’échec commercial du Tigre et dans l’abandon de sa participation au programme «Mark 3». La France a aussi sa part de responsabilité, pas la France d’aujourd’hui mais celle des années 1970 et 1980 celle qui voulait son hélicoptère de combat pour tenter de jouer dans la même cours que les Américains et les Soviétiques. C’est à dire la France de Giscard d’Estaing et de Mitterrand. Cette France qui a tout fait pour réunir Aérospatiale et M.B.B. au sein d’une même structure jouant aussi sur une volonté allemande d’unité européenne autour de l’industrie européenne. Le Tigre a été la dot commune des Allemands et des Français à la naissance d’Eurocopter. Nous en payons aujourd’hui le prix.
Car oui le Tigre est un formidable outil et une arme de premier plan. Mais sans doute uniquement pour l’Aviation Légère de l’Armée de Terre pour qui réellement il a été pensé. C’est un hélicoptère de combat parfaitement adapté à l’Afrique sub-saharienne, au Proche-Orient, et à l’Afghanistan où il était comme un coq en pâte. De leur côté les Fuerzas Aeromóviles del Ejército de Tierra s’en contentent bien, sans pour l’instant trop faire de bruit. Après tout l’Espagne n’est-elle pas l’El Dorado des programmes aéronautiques européens ?
Sauf que l’invasion russe de l’Ukraine a totalement rebattu les cartes. La France est désormais persona non grata dans ses anciennes colonies africaines. Ce n’est pas trop tôt diront certains. Elles ont troqué le rouble pour le franc CFA, croyant faire une affaire. L’Histoire nous dira si elles ont eu raison de préférer l’autocratie moscovite au paternalisme parisien. Reste donc que le Tigre n’a plus sa place dans cette région du monde. Il ne semble d’ailleurs actuellement pas l’avoir non plus en Europe orientale et septentrionale.
Pourtant ce n’est pas grave puisque Paris et Madrid continuent de vouloir qu’Airbus Helicopters modernise les EC-665 Tigre. Pas tous pourtant, les budgets ne sont pas extensibles à l’infini vu que l’hélicoptère en question est une catastrophe commerciale quasiment comparable au Concorde. Il ne se vend pas, et les projections sur dix ans ne sont pas encourageantes du tout. Comme il ne combat plus il ne démontre plus ses capacités et du coup ses concurrents raflent les marchés. Car en plus le Tigre est cher, globalement un peu plus que ses adversaires américains et franchement plus que la concurrence chinoise et russe.
Sur les soixante-sept exemplaires en dotation l’ALAT n’en confiera que quarante-deux à Airbus Helicopters afin de les porter au standard «Mark 3» et les FAMET laisseront de côté six de leurs vingt-quatre machines. C’est peu quand on sait que cette modernisation doit permettre aux appareils de demeurer opérationnels et efficients jusqu’en 2045 environ.
Alors sur le papier cet Airbus Helicopter Tigre «Mark 3» n’a rien de révolutionnaire. C’est l’avionique surtout qui sera revue et corrigée avec une meilleure connectivité aux systèmes. De quoi lui permettre de demeurer ce formidable outil pour l’ALAT et les FAMET mais pas forcément pour lui redonner ce qui lui fait si cruellement défaut à l’international : de la compétitivité. Fin février le ministre des Armées, monsieur Sébastien Lecornu, ne s’est pas montré très optimiste quand il a discuté de l’hélicoptère avec les sénateurs. Il a insisté sur le fait que selon lui la France allait disposer d’un super hélicoptère qui serait déjà dépassé par les drones de combat MALE. Et pour le coup, hors de toute orientation politicienne, on ne peut que lui donner raison.
Mais bon au final le Tigre «Mark 3» se fera sans doute, reste à savoir s’il sera vraiment adapté aux champs de bataille du futur ou s’il sera trop modernes pour eux.
L’avenir nous le dira.