Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, sous la pression des États-Unis, le Japon vaincu s’était donné une Constitution pacifiste qui ne l’autorisait seulement qu’à maintenir des forces d’autodéfense qui, théoriquement, ne devaient pas pouvoir être déployées à l’extérieur de ses frontières. Seulement, devant l’évolution de son environnement sécuritaire, Tokyo s’attache à briser plusieurs tabous qui limitaient jusqu’alors ses capacités militaires.
Ainsi, ces dernières années, le Japon a développé le concept d’autodéfense « collective » afin de pouvoir éventuellement engager des troupes dans des opérations extérieures. Puis, il a abandonné la règle tacite selon laquelle ses dépenses de défense ne devaient pas excéder 1% de son PIB et assoupli ses principes pour faciliter les exportations de ses industriels de l’armement. Mais ces mesures étaient encore insuffisantes…
À l’occasion de la publication de sa nouvelle doctrine de défense, en décembre 2022, le Japon s’est affranchi d’une autre contrainte en disant vouloir se doter d’une capacité de contre-attaque, afin d’être en mesure de détruire des cibles militaires situées sur le territoire d’un éventuel agresseur. Et d’évoquer le « défi stratégique sans précédent » posé par la Chine, une menace nord-coréenne « encore plus grave et imminente » que par le passé et le penchant du recours à la force de la Russie pour « atteindre ses propres objectifs de sécurité ».
Quelques semaines plus tard, le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, annonça une possible commande de 400 missiles de croisière RGM-109 « Tomahawk » auprès des États-Unis. Il fallut quelques mois à la Defense Security Cooperation Agency [DSCA], chargée des ventes d’armes américaines à l’étranger, pour donner son feu vert à cette vente potentielle, alors estimée à 2,35 milliards de dollars dans l’avis qu’elle publia en novembre dernier.LAURENT LAGNEAU