Houtistes : 1, Washington : 0

Depuis 2004 et son émergence en tant que groupe armé pour protester contre l’invasion américaine de l’Irak et l’occupation israélienne de la Palestine, le mouvement houthiste est une épine dans le pied de Washington, Riyad et Tel-Aviv. L’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 ouvre une nouvelle phase de la confrontation. Eux-mêmes affamés par le blocus maritime saoudien (avec l’aide des États-Unis), les rebelles tentent de forcer Israël et ses alliés à lever le siège de Gaza en entravant les flux commerciaux qui transitent par la mer Rouge. Ils utilisent pour cela un arsenal de bric et de broc composé de hors-bord, missiles, drones et sous-marins sans pilote.

Au nom de la protection de la liberté de navigation, l’administration de M. Joseph Biden lance en janvier 2024 une série de frappes aériennes sur le Yémen et dépêche des forces navales pour rouvrir le détroit de Bad Al-Mandeb. La campagne se passe mal. Deux Navy Seals se noient en essayant de monter à bord d’un boutre houthiste, et l’équipage du croiseur USS Gettysburg abat par erreur un avion de combat F/A-18F Super Hornet qui vient de décoller de l’USS Harry Truman, fleuron de l’US Navy. Quelques semaines plus tard, ce dernier entrera en collision avec un navire marchand égyptien.

En janvier 2025, le président Donald Trump classe les houthistes parmi les organisations terroristes étrangères et intensifie la guerre de son prédécesseur. Il accroît la présence américaine dans la région avec une nouvelle force de frappe aéronavale à 6,5 millions de dollars (5,6 millions d’euros) la journée, des bombardiers furtifs B-2 à 90 000 dollars l’heure de vol et des missiles antibalistiques à 2,7 millions pièce. En mars et avril, les États-Unis pilonnent le Yémen. Protégés par les montagnes de l’intérieur du pays, les houthistes, dont la détermination et l’ingéniosité compensent l’extrême pauvreté, se défendent avec ténacité. Ils infligent des pertes de plusieurs centaines de millions de dollars aux Américains en coulant leurs drones Reaper, passent tout près d’abattre plusieurs F-16 et un F-35, et parviennent à déjouer les défenses antiaériennes pour attaquer Israël avec des drones de longue portée, le tout en continuant de s’en prendre à la navigation commerciale dans la mer Rouge, qui s’effondre.

Le 28 avril, des avions militaires américains frappent un centre de détention pour migrants dans la ville de Saada, dans le nord du Yémen, puis bombardent les secouristes accourus sur les lieux. Soixante-huit personnes sont tuées. En représailles, les houthistes lancent plusieurs missiles balistiques sur le Truman, qui déguerpit sans demander son reste ; dans la précipitation, un Super Hornet passe par-dessus bord.

Pour M. Trump, la destruction d’un deuxième de ces appareils à 67 millions de dollars est la goutte d’eau. En un mois d’opérations, les États-Unis ont pratiquement épuisé leur stock de missiles guidés sans parvenir à établir leur supériorité aérienne sur un pays dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant est très inférieur à celui de Haïti. Pour tenter de sauver la face, l’administration décrète que l’opération « Rough Rider » est un succès et ordonne au commandement central de mettre les opérations en « pause ». Dans les faits, Washington s’incline face aux houthistes. « Nous les avons frappés durement et ils ont montré une grande capacité de résistance », admet le président. Le jour de cette déclaration, un troisième Super Hornet sombre dans la mer après avoir manqué son atterrissage.

Seth Harp

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